Pendant que les scientifiques sont contraints d’attendre à l’intérieur de leur cabane que la pluie cesse pour reprendre leurs observations, la vie des éléphants de mer suit son cours sur la plage. C’est le moment idéal pour une immersion dans leur quotidien.
Un harem à protéger
Une forte pluie tombe sur l’Estacade et oblige l’équipe de scientifiques à passer la matinée à l’intérieur de la cabane. Pendant ce temps, l’activité bat son plein sur la plage parmi les éléphants de mer. Au cours des dernières semaines, des milliers de femelles se sont échouées les unes après les autres sur les plages de l’archipel des Kerguelen. Après une période de quelques mois passés en mer en quête de nourriture, elles arrivent avec une corpulence bien grasse. Les femelles viennent à terre pour donner naissance à leur petit et l’allaiter pendant environ trois semaines. En face de la cabane des scientifiques, à environ 200 mètres, un groupe de 80 femelles s’est constitué. Un mâle s’est installé à proximité de ce groupe de femelles, appelé « harem ». Il revendique sa position de mâle dominant sur cette portion de plage.Alerte intrusions
Ce matin, un autre mâle s’est approché avec la même intention. Le mâle dominant, jusque-là tranquillement installé au milieu des femelles, ne tolère pas la présence de son rival : il le lui fait savoir de loin en se redressant sur ses nageoires et en émettant un fort grognement. Il fait résonner au plus fort l’air dans ses cavités nasales pour témoigner de sa taille et tenter d’impressionner son adversaire. Mais le mâle périphérique ne s’en va pas et tient tête. L’issue d’un affrontement violent s’annonce fatale. Le mâle dominant lance une charge vers son rival et progresse à l’extérieur du harem par des avancées rapides d’une dizaine de mètres séparées de quelques secondes de repos, où il respire profondément pour reprendre son souffle et analyser la réaction de son adversaire.
La distance entre les deux animaux diminue progressivement, jusqu’à ce que les mâles se retrouvent au corps à corps et entament une lutte acharnée. Dressés au plus haut l’un devant l’autre, ils se battent avec une grande force en se donnant des coups de tête. Dans des mouvements effectués avec beaucoup de vitesse, ils cherchent à atteindre le cou de l’adversaire et à le blesser avec les dents. Il y a parfois quelques effusions de sang dues aux morsures. C’est pour cette raison qu’un vieux mâle se reconnaît notamment aux nombreuses cicatrices qu’il a dans le cou.
Après environ dix minutes de combat, l’individu qui était venu défier le mâle dominant abandonne et part à la fuite. Le mâle dominant a tenu bon pour cette fois. Il fait demi-tour et reprend sa place dans le harem.
Mais il n’a pas le temps de se reposer longtemps car, quelques minutes plus tard, il aperçoit un jeune mâle qui s’approche des femelles qui sont en bordure du groupe. Alors qu’elles jeûnent pendant toute leur période passée à terre, les femelles sont plus occupées à nourrir et protéger leur progéniture qu’à suivre les combats incessants des mâles qui se disputent la plage pour se reproduire et assurer la transmission de leurs gènes.
La confrontation entre les mâles débute de la même façon que précédemment avec un fort grognement d’avertissement lancé par le mâle dominant visant à dissuader son adversaire de poursuivre l’affrontement plus loin. À l’écoute du son émis par son rival, le jeune mâle décide de faire demi-tour car il prend la mesure de la différence de poids qui les sépare et comprend qu’il n’a aucune chance de sortir vainqueur s’il choisit le combat.Une autre année peut-être, aura-t-il le droit à sa place sur cette plage.
L’agitation retombe dans le groupe et les animaux se remettent en position de repos. Une nouvelle femelle arrive sur la plage. Elle fournit un dernier effort parmi les vagues pour sortir de l’eau puis elle rejoint le harem. Elle donnera naissance à son petit dans les jours qui viennent. Inlassablement, sous une pluie qui continue de tomber et un vent qui se renforce, le bal de la faune sauvage se poursuit à l’Estacade.
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